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Argenteuil 95

Argenteuil 95

www.argenteuil95.com, le journal du web indépendant des habitants d'Argenteuil et de ses environs.


Enquête sur une mort suspecte

Publié par Arezki Semache sur 18 Septembre 2009, 08:21am

Catégories : #Actualité

Le quotidien algérien indépendant, El-Watan, a dépêché un journaliste à Paris pour enquêter sur l'affaire Ali Ziri. Voilà ce qu'il raconte dans l'édition du jeudi 17 septembre.

Ali
Ziri est revenu à Argenteuil pour passer quelques jours de vacances, revoir ses amis, acheter des cadeaux pour sa famille avant de repartir dans son village natal d’Ouled Rached, dans la wilaya de Bouira. Il rentre finalement au bled, mais entre quatre planches, mort à la suite d’un contrôle de police mouvementé.



Mort naturelle ou bavure policière ? Survenu le 11 juin dernier, le décès d’Ali Ziri, 69 ans, retraité algérien, est une affaire qui secoue aujourd’hui la communauté algérienne en France. Sa famille, ses proches, ses amis, son avocat sont persuadés que son décès est suspect. Ils sont surtout persuadés que police et parquet ont tenté d’étouffer l’affaire pour couvrir ceux qui en sont responsables. Bâclée une première fois, l’enquête vient d’être confiée à un juge d’instruction qui tentera de faire la lumière sur ce tragique événement. Ce mardi 9 juin, Ali Ziri est plutôt d’une humeur enjouée... A la cité d’Argenteuil (département du Val-d’Oise) où il a vécu pendant une cinquantaine d’années, il a rendez-vous avec Arezki Kerfali, 61 ans, ami de longue date, avec qui il a partagé joie et peine. Ce jour-là, Ali a l’intention d’acheter quelques cadeaux pour son fils Rachid qui doit se marier le 15 juillet. Avant d’aller à l’assaut des magasins, les deux hommes s’arrêtent dans une brasserie pour prendre l’apéro. Un autre ami les rejoint pour partager un bout de gras. Un steak, un lapin, une bouteille de vin, le déjeuner bien arrosé s’achève avec un café calva et un verre de rhum. Ali et Arezki quittent le bistro pour faire la tournée des boutiques. Chemin faisant, ils font escale dans un autre bar pour un dernier verre. Vingt heures passées, il est l’heure pour notre retraité de rentrer au foyer Sonatocra où il crèche comme des centaines d’autres travailleurs émigrés. Arezki se propose alors de le raccompagner en voiture. Dans la bagnole, les deux comparses continuent de refaire le monde. Derrière, une voiture de police les prend en chasse. Trois policiers, deux hommes et une femme, leur intiment l’ordre de s’arrêter.

Arrestation, injures et propos racistes

Aussitôt sorti de sa voiture, Arezki est menotté avant d’être jeté au sol. Un policier plaque son pied sur la tempe du conducteur. S’ensuit une vive altercation entre les cinq personnes. « Nous ne sommes pas des gamins de 15 ans... Nous sommes des retraités, des vieux, pas des voyous... Je vais porter plainte...Vous êtes des chiens de Sarkozy... », proteste Arezki. Ali en fait de même. « Je veux porter plainte mois aussi... », dit-il. A son tour, ce dernier est happé par un policier qui l’envoie valdinguer par terre. Des coups pleuvent, des propos fusent. Propos racistes, injurieux, on en sait pas davantage. Les policiers demandent du renfort. Dans le fourgon de police, Arezki qui a repris connaissance constate que son ami est allongé à plat ventre, inconscient. Arezki est emmené au commissariat d’Argenteuil où il sera placé en garde-à-vue pendant 24 heures dans la cellule de dégrisement. Ali Ziri, quant à lui, est admis à l’hôpital Victor-Dupouy, à Argenteuil, deux heures après son interpellation. Il est 22h09. L’infirmière d’accueil constate que l’intéressé ne présente aucun problème de gravité immédiate. Elle le laisse donc sur son brancard. Il faudra attendre 22h45, soit 38 minutes pour son admission aux urgences, pour qu’un médecin daigne enfin l’ausculter. Victime d’un arrêt cardiaque, Ali est néanmoins réanimé. A 2h du matin, on lui fait passer un scanner. Le 11 juin, Ali Ziri rend l’âme à 7h30. Pendant ce temps-là, Arezki Kerfali a déjà achevé sa garde à vue. Il rentre chez lui. Choquée, sa femme, Josiane, prend des photos de son mari portant encore des ecchymoses et des contusions à la tête et sur les bras. Elle veut porter plainte.

Le médecin qui examinera Arezki quelques jours plus tard lui prescrit 8 jours d’arrêt de travail. Le 12 juin, Kerfali est convoqué une nouvelle fois au commissariat d’Argenteuil. Un policier lui annonce le décès de son ami. Le choc, la consternation. « C’est pas possible, crie-t-il...C’est vous qui l’avez tué... » L’homme refuse de croire à la mort de son ami. Comment Ali Ziri peut-il mourir subitement alors qu’il était en bonne santé ? Certes, il avait passablement picolé ce mardi 9 juin – on retrouvera 2,4 gr d’alcool par litre dans son sang –, mais serait-ce l’unique cause de son décès ? Lorsque les proches du défunt lui rendent visite à la morgue, ils constatent que le corps porte des traces anormales. Conclusion immédiate : la mort d’Ali Ziri est louche, mystérieuse, suspecte. Ils décident alors d’alerter un avocat, maître Samy Skander. Ce dernier se rapproche du parquet de Pantoise pour en savoir davantage. Réponse du parquet : l’autopsie pratiquée sur le corps d’Ali Ziri a conclu que ce dernier est mort suite à une hypertrophie cardiaque et une forte consommation d’alcool. Exit donc d’éventuels coups et blessures qui auraient pu entraîner sa mort subite. Le parquet décide de classer l’affaire. Etrange tout de même cet empressement à boucler l’enquête... C’est que l’enquête préliminaire avait été confiée au commissariat d’Argenteuil, précisément là où travaillent les trois fonctionnaires de police qui ont procédé à l’interpellation des deux retraités. Outré par une telle procédure qu’il juge entachée de partialité, Samy Skander la résume à travers un raccourci footbalistique. « C’est comme si vous demandiez à un avant-centre de juger lui-même les hors-jeu... » Enquête bâclée, tentative d’étouffer l’affaire, volonté de couvrir des policiers, toujours est-il que pour la police et le parquet, le dossier est clos. Pas pour tout le monde. Arezki Kerfali et les proches d’Ali Ziri veulent savoir la vérité. Lorsque Arezki Kerfali se rend une première fois à la gendarmerie d’Argenteuil pour porter plainte, il évite le commissariat de peur de rencontrer à nouveau les policiers qui l’avaient arrêté. Sur place, on lui fait savoir qu’ils ne sont pas en mesure de l’enregistrer. « Compte tenu de la nouvelle administration territoriale, lui explique un gendarme, cela ne relève pas de la compétence de la gendarmerie mais du commissariat. » Obstiné, Kerfali, désormais soutenu par un collectif d’associations, refuse de baisser les bras. Il se rend dans un autre commissariat, celui de Bezon, toujours dans le Val d’Oise, accompagné par Mohamed Nemri, coordinateur de l’ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France) et membre du collectif « Vérité et justice pour Ali Ziri ». Mais une fois de plus, la plainte sera récusée. Un responsable de la police lui signifie qu’il n’est pas en mesure de l’enregistrer. Pourquoi ? « Ce sont des collègues qui sont impliqués dans cette histoire. » Alerté, suite à ce refus, l’avocat Skander prend attache avec le même commissariat pour demander des explications. La réponse est identique : « Vous savez maître, on ne peut pas prendre la plainte. Ce sont quand même des fonctionnaires de la police... » Quand même... Y aurait-il dans cette affaire une sorte de loi du silence, un esprit de solidarité parmi les flics, un gentleman’s agreement qui éviteraient à des policiers de s’expliquer sur la mort suspecte d’un retraité algérien ? En un mot, les policiers sont-ils au-dessus de la loi ? Frederic Lagache, secrétaire général du syndicat de la police, Alliance, tempère les reproches. « Quand il y a des éléments importants susceptibles de compromettre un policier, quel qu’il soit, il y a des mesures de suspension qui sont prises, dit-il. Un policier, c’est un citoyen comme un autre, il a droit à la présomption d’innocent. »

Une deuxième expertise médicale exigée

Soit. Qu’est-ce qui empêcherait alors que les trois policiers, qui avaient interpellé Ali et Arezki, ne soient entendus ? Innocents, ils le sont de toutes les façons, mais leurs témoignages ne seraient-ils pas susceptibles de contribuer à la manifestation de la vérité sur la mort de Ali Ziri ? Mohamed Nemri ne va pas par quatre chemins pour exprimer le sentiment d’une grande partie de l’opinion publique. « Dans cette affaire, affirme-t-il, nous avons rencontré du mépris de la part de l’Etat et les autorités ont fait un calcul bidon ! Un retraité algérien revenu en France voir ses amis pour quelques jours, bon il y a eu ce qu’il y a eu, on va étouffer l’affaire, se sont-ils dit, le corps sera rapatrié et on n’en parle plus. ... Circulez y a rien à voir ! » Et l’affaire ne sera pas étouffée. Grâce à la mobilisation des associations, des proches et de l’avocat, le procureur du tribunal de Grande instance du Val d’Oise accepte de confier le dossier à un juge d’instruction. Une deuxième expertise médicale est donc demandée. Ses résultats tombent le 20 juillet. Ali Ziri n’est pas mort suite à une hypertrophie cardiaque, mais plutôt suite à une anoxie (absence d’oxygène). L’expertise indique par ailleurs l’existence de 27 hématomes sur diverses partie du corps du défunt, notamment au niveau du thorax ainsi que dans le bas du dos. Certains hématomes sont d’une taille allant de 12 à 17 cm. Visiblement, Ali Ziri a reçu des coups, beaucoup de coups. Le juge d’instruction devrait prochainement entendre les trois policiers mis en cause. Voilà de quoi relancer cette affaire.

Par Samy Ousi-Ali

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